14 décembre 2016

Poésie sans frontière



Il y a les frontières géographiques et les frontières de l’histoire, mais il arrive parfois que les musiques des mots resurgissent dans les mémoires avec une nouveauté que nous ne soupçonnions pas …

D'une manière souvent inattendue la voix des poètes nous interpelle avec une vérité qui nous touche profondément faisant surgir en nous des images familières même si la langue des mots nous est parfois étrangère…

Lorsque j’écoute René Char « Parler » sa poésie, j’ai l’impression très forte qu’elle m’est destinée…
Quel cadeau merveilleux !...

Et je me souviendrai toujours de la voix d’un poète occitan du XXème siècle… dans une émission télévisée, sa langue chante encore en moi malgré le passage des années (bien qu’elle me soit inconnue ! ) et je me laissais bercer par la musique des mots et des sons, une révélation encore vivante aujourd’hui… une explosion de couleurs un peu comme si l’horizon de mon univers s’élargissait faisant naître en moi une vague de joie…

Mas-Felipe Delavouët s’est présenté à nous avec une conviction désarmante, proclamant l’éternité de la langue occitane malgré les nombreux présages de sa disparition progressive et inéluctable…

Quelle présence impressionnante et avec quelle magie, les sons et les mots s’infiltraient en nous malgré les écrans !…
Dans le retrait de sa vie sociale et de tout système, il tissait patiemment sa toile, convaincu que le silence d’une langue ne suffisait pas à signer sa disparition !
Amoureux de son pays, de la mer qui le borde, il labourait avec constance ses terres profondes, convaincu que tant de Beauté ne pouvait disparaître…

Aujourd’hui que la région occitane retrouve une forme de légitimité politique, peut-être une nouvelle naissance (même précaire ! )
je me dis qu’il avait raison d’y croire !
Et je vous offre avant Noël…
Un de ses cadeaux…
MS
Pouèmo pèr Evo

v

Chantèrent ta beauté les houles de la mer
s’enfournant à grands coups dans les grottes de marbre
en amplifiant sous la montagne un chant têtu
qui, par les racines, s’épandit dans les arbres,
et dans le vent, et dans le ciel
pour rejoindre la mer et revenir à grands coups.

Eve, comme un filet, par mille et mille voix,
fil à fil, et partout, se propageait ta gloire.
Toute peur se taisait et même mon angoisse
se retirait au plus obscur de ma mémoire
car, _ comme un écho dans la coquille marine
reprend le chant royal des eaux en colère _,…

Extrait 1

v

Et plus rien de la terre ne nous était ennemi,
les collines autour de nous se faisaient féminines,
et les plaines étaient douces, et des rêves endormis
coulaient lentement le long de tous les ruisseaux,
et les mousses, entre les cailloux,
caressaient ton cou blanc de ces rêves tranquilles,

ô curieuse, ô ma belle impatiente de toi,
quand, te tenant aux branches basses, tu voulais voir
un sourire de sœur, encore inconnu,
répondre à ton sourire à travers ce verre,
ô toi qui ne savais pas qu’aux trous
de mes yeux tu trouverais ton plus fidèle miroir.

Extrait 2


Pierre Sentenac "Pouèmo pèr Evo" 14/12/2016
composition Paint d'après sculpture de A.Maillol




N.B :  Publication de José Corti arrêtée en 1980


3 commentaires:

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  2. Merci Michèle pour ce beau cadeau de Noël. Mas-Felipe Delavouët était un grand poète, enraciné dans sa terre de Grans, en Provence, et en même temps universel. C'est José Corti, l'éditeur de Gaston Bachelard, qui commença l'édition de ses "Pouèmo".

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  3. Le poète par lui-même : http://www.delavouet.fr/poete/delavouet-par-lui-meme/

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