21 avril 2012

Marquet, seul peint qui sait voir



«  Seul bâtit qui sait habiter
Seul parle qui sait écouter
Seul peint qui sait voir    »
Jean-Louis Chrétien


En revoyant les bords du fleuve de la Garonne à Royan, je n’ai pu m’empêcher  d’évoquer le regard d’enfant du peintre Marquet sur les rives du fleuve, la vie des quais et des bateaux prêts à partir…
Là est née sa vocation de peintre, entre terre et mer, dans la flânerie du regard sur les lumières changeantes du ciel et de l’eau musardant sur les terres ocre.
Malgré son apparente monotonie, ce spectacle toujours renouvelé l’a habité durablement, déclenchant en lui le désir du lointain inconnu et l’expression d’une ardeur créatrice.

A la rue triste et sans âme
J’ai préféré les bords du fleuve
le lent voyage des bateaux
la vie des quais
les jeux du soleil sur l’eau !
Vivant surtout dans les marges
quittant l’école du savoir
J’ai fait mon miel du regard
sur les choses et les êtres
jamais lassé
d’observer les chalands qui passent
les drapeaux qui claquent au vent !
Cette vie simple à fleur de terre
où je dessinais enfant
un morceau de charbon dans les mains
une fête de couleurs qui m’éloignait
des gens revêches…

Extrait de « Marquet ou le flâneur insatiable » Michèle Serre






Aujourd’hui je partage avec lui, l’errance du regard sur les lignes mouvantes qui bordent le fleuve :

« Dans l’estuaire, il y a des étés infinis
comme si le vert et le bleu brassaient
des myriades de soleils
Sites mouvants
brumes flottantes… »

moments de plénitude, temps de gratuité, comme si le partage des eaux dessinait en nous inlassablement, un paysage intérieur secret et indéfinissable.

Michèle Serre   



« Marquet ou le flâneur insatiable » de Michèle Serre
3 illustrations

( Livres d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés, prix: 19Euros )





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4 avril 2012

La note suspendue

                                                      Nouvelle


Quand les gens pensent aux années cinquante, ils imaginent - non sans une certaine nostalgie - des paysages de verdure et des petites maisons cachées dans la lumière des jardins. Or le petit garçon que je connaissais bien et qui se prénommait Ludovic ne vivait pas du tout dans ce décor de rêve. Oserais-je dire que c’était bien mieux !
Car Ludo, c’est ainsi que tout le quartier l’appelait, était un enfant des rues, non comme on l’entend aujourd’hui, avec en toile de fond la connotation de voyou, mais un garçon d’une dizaine d’années qui vivait à l’aise dans un quartier cosmopolite s’il en fût, où l’on ne parlait guère de ghetto et de racisme.

Dans la rue Llucia les petits commerçants étaient nombreux et tous familiers au garçonnet. C’était une rue passante et avant d’aboutir à la place Cassanyes très animée les jours de marché, Ludovic flânait devant les magasins qui attisaient sa gourmandise et, lorsqu’il passait devant la boulangerie la bonne odeur du pain émoustillait ses narines et creusait encore plus son estomac boulimique.


Pierre Sentenac       Encres à la plume


En face de la boulangerie, une boutique exerçait sur lui une fascination dont il avait du mal à se départir. Très timide et rêveur, il n’avait jamais osé pousser la porte de ce magasin singulier, d’autant que la blouse blanche de monsieur Soler n’était pas faite pour le mettre à l’aise. Sur le chemin de l’école, il fallait se hâter et ce n’est qu’au retour qu’il pouvait s’octroyer une pause devant le magasin « Tout élec » qui représentait pour lui une véritable caverne d’Ali Baba …

Sa vitrine était somptueuse : tout étincelait, de l’écrin d’ébénisterie des postes de TSF dont l’œilleton vert se déplaçait sur l’écran avec les couleurs de l’arc-en-ciel jusqu’au nouveau transistor que l’on pouvait transporter partout, même en pique-nique au bord de la mer ou de la rivière.

Mais il y avait surtout des instruments de musique et, notamment, une batterie magique que le petit garçon contemplait avec admiration. Parfois, une musique américaine filtrait par la porte entrouverte…


                                                             Extraits de la note suspendue _ Michèle Serre


                                                                              




« La note suspendue, Le silence de mort» 2 Nouvelles de Michèle Serre
2 illustrations de Pierre Sentenac

( Livres d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés , prix:15Euros)






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