Terme souvent débattu, la culture
irrigue notre vie mais il est de bon ton de regretter la disparition
progressive et d’oublier ce qui la sauve, notamment un accès plus facile aux
cultures universelles et le besoin irrépressible de se souvenir et de célébrer…
une respiration nécessaire à tout être humain…
« mais une culture sans sujet pour se souvenir ou pour
célébrer est-elle encore une culture ? »
Une interrogation récurrente aujourd’hui qui pose le
problème de la transmission et de la
présence des passeurs.
A ce propos, je ne peux m’empêcher
d’évoquer l’histoire de deux grands musiciens du XXème siècle – aujourd’hui
disparus – qui ont servi avec talent et une foi inébranlable des grands
créateurs (Mozart, Beethoven,
Debussy…), parfois les
mêmes et leur concurrence fut proverbiale !
L’un brillant et exigeant avec ses congénères surtout dans
la direction d’orchestre, pressé de délivrer son message, de recueillir les
fruits d’une gloire méritée que Karajan revendiquait
après des années de silence et d’obscurantisme.
L’autre (Bernstein) plus chaleureux, plus avide de
paix et du sourire du monde…
En quête d’une transmission irréprochable ils nous ont
surpris par leur fougue et leur talent consacrés à la musique classique de haut
niveau mais ils ont aussi ouvert des chemins nouveaux et si le spectre de
leur production est large, ils nous étonnent parfois par des choix
inédits !
Ainsi Bernstein influencé par une œuvre de Copland sur les « Indiens des Appalaches » découvre dans cette œuvre « un naturel musical, une langue
musicale sans apprêt qui séduit un public plus nombreux ». Cela se traduira des années plus
tard par la création d’une messe intitulée « Le don du simple ».
Par contre, Karajan plus préoccupé de modernité, mettra
en œuvre des œuvres difficiles parfois hermétiques et il obtint le record de
publication de disques du XXème siècle !
Les spécialistes s’interrogent sur
l’estime qu’ils avaient l’un pour l’autre… il est sûr qu’ils se sont rencontrés mais que se sont ils dit ?
Mystère des rencontres humaines
jamais élucidées, notamment la dernière rencontre un peu avant la mort de Karajan qui précède celle de Bernstein un an après !
Que nous reste-t-il de la scène filmée : deux fauteuils
vides qui se font face et peut-être une admiration réciproque ?
Mais la chair des mots nous n’en saurons rien… l’un a passé
ses dernières années dans un monde virtuel qui le fascinait et la production
numérique de son œuvre…
L’autre, plus familier au monde et au réel, a déployé ses
ailes vers des créations plus accessibles à un public plus large, en priorité à
la jeunesse, avide de s’exprimer et d’exorciser par leur corps la fureur de
vivre, dans des drames musicaux et des comédies musicales :
Dans cet esprit des ballets collectifs, « West side story »
a marqué durablement toute une génération et bien au-delà par la chanson et la
danse où le corps prend toute sa place
et sa légitimité ! Mais parfois, une mélodie se glisse dans la musique, un
légato harmonieux et léger, qui contraste avec la violence gestuelle des
groupes antagonistes…
Et l’on se prend à rêver d’une amitié réelle entre ses deux
virtuoses peu enclins à se comprendre par leur origine et leur vie, pourtant si
proches dans leur quête d’humanité.
Séparés par des choix de vie mais solidaires dans le même
amour de la musique, ces deux grands interprètes ont ouvert des voies
parfois singulières.
Mais qu’en est-il des poètes et de la
poésie ?
Je me souviens de l’interrogation angoissée d’un
éditorialiste (J-C. Guillebaud) dans un article du Nouvel Observateur :
Mais que disent les poètes?
Cette question résonne encore en nous comme pour témoigner
de l’urgence de leur présence dans un monde en quête de sens et de beauté.
Mais c’est l’objet d’une autre réflexion.
M.S
Pierre Sentenac "Deux grands interprètes" Encres&Pastels / canson /02-2016
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire