6 octobre 2014

Chemins perdus


Tandis que l’on assiste – souvent impuissants dans le train de l’histoire – à la fermeture des Etats et parfois des cœurs, le paradoxe de notre époque est que jamais autant de routes et de chemins oubliés ne s’étaient offerts à nous…
De nombreux écrivains ont tracé, à notre insu, des itinéraires initiateurs. Pensons avec gratitude à certains écrivains américains qui nous ont communiqué avec force leur désir de ressourcement au contact des grands espaces et des civilisations oubliées… un retour salutaire et vivifiant dans une nature encore vierge !

Aujourd’hui, prendre la route devient une expression presque commune qui lève en nous une nostalgie prégnante. Et même si nous sommes souvent attirés par des mondes lointains, comment ne pas être réceptifs aux merveilleuses images de ces régions que nous croyions connaître et que des aventuriers du quotidien nous dévoilent avec une familiarité attachante ?

Ainsi de l’Aveyron que l’émission télévisée « des Racines et des Ailes » nous amène, au-delà des clichés, sur des chemins oubliés où la nature reprend ses droits avec une beauté surprenante.
« Le baliseur bénévole » se mue en défricheur bienveillant, éclairant les cavaliers de la « Route du sel » qui les emprunteront au cours de leur journée, renouant ainsi avec le Moyen-Age, fidèles aux pratiques de ces nomades marchands. De la Camargue au Languedoc, au hasard des villages traversés, veillant au long du fleuve les barques chargées de sel en signe de monnaie d’échange, ils partageaient avec les habitants hospitalité et nourriture dans une langue occitane peu usitée aujourd’hui mais qui chante encore dans la mémoire des poètes…

Nous savons bien hélas que ces pratiques sont révolues mais certains rêveurs n’en sont pas convaincus et tous ces « cavaliers d’aujourd’hui » qui reconstruisent ces chemins perdus nous ouvrent les portes d’un patrimoine longtemps oublié que nous contemplons avec émerveillement !
Un passé endormi s’éveille sous nos yeux, une nature d’une beauté secrète et pourtant apprivoisée par ces éclaireurs du passé !
Le territoire du Rougier nous surprend par la diversité de ses couleurs antagonistes et l’étrangeté de la présence d’un menhir solitaire : à l’évidence une femme, un signe lointain d’humanité dans une terre vierge…

Obstinés et charmés par leurs découvertes, les cavaliers poursuivent leur voyage et le Commandeur de cette balade un peu sauvage ravive notre nostalgie en évoquant la mort de Raymond VII, le comte de Toulouse dépossédé de son beau royaume, vaincu par le frère du roi de France et qui, selon ses dernières volontés souhaita traverser avec son cercueil le fleuve, accompagné du cérémonial des cavaliers le long des berges, lui rendant un dernier hommage dans une procession en costume d’apparat, rythmée en signe de deuil et de reconnaissance par le tocsin de chaque village rencontré…

Sans doute tout cela n’est-il que légende mais comme le dit le poète Patrice de la Tour du Pin : 

« Tous les pays qui n’ont pas de légende sont condamnés à mourir de froid… »

Michèle Serre



Pierre Sentenac   Menhir du Rougier (4 à 5000 ans!)