17 janvier 2015

Histoire courte



Mon intérêt pour écouter les conversations du téléphone mobile remonte à l’été 2002. Il faisait très chaud ce mois de Juillet et chacun était obligé de vivre et de dormir toutes fenêtres ouvertes…
La rue était brûlée de soleil mais dans les jardins, les bavardages allaient grand train !

Ecrivain professionnel, je tapais des textes à l’ordinateur mais j’étais de plus en plus gêné par le bourdonnement incessant qui montait jusqu’à moi…
L’envie de passer ma tête à la fenêtre et de calmer les ardeurs des échanges verbaux me démangeait mais soudain j’entendis pour la centième fois l’indicatif musical de « La lettre à Elise ».

Ca y est, me dis-je, un interlocuteur au téléphone ou peut-être une interlocutrice ! En effet pour la centième fois, à la même heure, elle donnait le même numéro si bien que je fus presque obligé de l’enregistrer. A quoi cela correspondait-il ?
Je fus surpris de constater que ce numéro était sur la liste rouge et je me promis de téléphoner dès le lendemain, cinq minutes avant le déclenchement du motif musical de « La lettre à Elise ».

Ainsi fut fait. Personne au bout du fil mais un répondeur qui m’avisait de l’absence d’une correspondante, une jolie voix féminine qui signalait son absence illimitée.
Le mystère s’épaississait puisqu’il était clair qu’elle n’était pas là et je me promis de renouveler l’opération.

Simple curiosité peut-être ou volonté de trouver un sujet palpitant pour mon nouveau roman ?

L’été passa ainsi, sans surprise…

Un soir la voix s’anima.

Elle était là « enfin ! »

Quel prétexte allais-je trouver pour m’expliquer !
Très ému, je crus préférable d’arguer d’une erreur de numéro !

« En êtes-vous sûr !
N’avez-vous rien à me dire ? »

Décontenancé, je finis par lui avouer que j’avais surpris son numéro et que tous les soirs d’été j’avais essayé de l’appeler.
_Pourquoi, et ce disant, elle rit aux éclats !
Je ne connais pas la personne dont vous me parlez, ni le village, ni le jardin mais vous m’êtes déjà familier et j’ai hâte de vous rencontrer…
Pouvais-je être insensible à cette charmante invitation ?

Ainsi finit l’été, avec son lot d’orages et de soleil, ses éternels bavardages au téléphone mobile dans les jardins mais aussi cette rencontre magique qui a illuminé ma vie !

M.S

Pierre Sentenac   "Histoire courte"