L’Iliade,
premier chef-d’œuvre de la littérature grecque (d’abord
littérature orale puis remaniée durant des millénaires par
différents auteurs qui nous ont transmis une œuvre écrite
attribuée à Homère)
a contribué avec l’Odyssée
à la formation de la langue et de la civilisation grecque, puis de
la civilisation latine et par là de la civilisation occidentale.
Pendant vingt siècles elle a servi de fondement à l’éducation
scolaire et l’on ne peut que regretter sa disparition progressive
dans l’apprentissage des humanités !
De
nos jours encore les poètes, dramaturges, romanciers, artistes
puisent leur inspiration dans ce patrimoine de l’humanité !
L’ensemble
de ces chants écrits en hexamètres dont la musicalité nous
surprend par son pouvoir de suggestion nous rejoint dans notre quête
des origines… nostalgie,
encore un terme d’origine grecque dont Jacques
Lacarrière
nous
révèle la puissance : l’algie,
la douleur qui étreint le cœur d’Ulysse
au
souvenir de son pays, nosta : ce désir de retour au royaume d’Ithaque
qu’il
a quitté pour la guerre de Troie
et
qu’il n’aspire qu’à retrouver après sa captivité et ses
épreuves de plusieurs années. Revoir sa terre, son épouse Pénélope
et son fils Télémaque
est l’ultime voyage qui donne sens à sa vie !
Sa
quête de bonheur et de beauté au contact d’une nature si chère
au cœur des anciens Grecs nous touche par sa spontanéité et sa
chaleur humaine, cette nature que nous croyions éternelle et dont
nous découvrons aujourd’hui la fragilité et l’urgence de sa
protection.
« L’été
grec »,
livre de Jacques
Lacarrière (publié en 1975 dans la
collection « Terre
humaine » des éditions Plon)
a renoué heureusement notre lien avec cette littérature grecque à
qui nous devons tant !
Voyageur
dans le temps mais aussi dans l’espace, l’auteur, fervent
helléniste, nous a tracé avec ses différentes publications des
chemins de découverte, des « promenades
dans la Grèce antique » jusqu’au
« Dictionnaire
amoureux de la Grèce »
qui nous rapprochent de tant de créateurs qui nous ont fait rêver…
Comment
ne pas être sensibles aux merveilleuses pages de Kazantzakis
dans « Alexis
Zorba »
un personnage populaire dont la dignité s’exprime dans une danse
d’une noblesse qui transcende l’espace…
mais
me direz-vous : « C’est
une image d’Epinal ! »
Notre
époque ne désacralise-t-elle pas systématiquement ce qui
risquerait de nous émouvoir ? Mais peut-être faut-il lutter
avec détermination contre cette tendance à ironiser et à nous
endurcir ?
Les
héros grecs des épopées sont de valeureux guerriers, pourtant à
certains moments, ils s’humanisent comme Achille
qui, malgré son héroïsme démesuré pleure devant la dépouille de
son ami Patrocle
dont il célèbre la grandeur et l’amitié…
Dans
ses premiers voyages relatés dans « l’été
grec »,
Jacques Lacarrière,
passablement désargenté, a bénéficié de l’accueil chaleureux
des gens du peuple aussi bien des marins que des paysans, une
hospitalité spontanée qui ne lui a jamais fait défaut.
Voici
une de ses premières visions de la Grèce :
«
Le caïque accoste doucement, un homme me tend la main pour grimper
sur le quai, un homme avec un sourire chaleureux »…
Mais
me direz-vous, c’était avant notre société de plus en plus
consumériste, avant la crise économique dévastatrice que connaît
la Grèce aujourd’hui depuis plusieurs années ? Je m’empresse
de désavouer ce pessimisme ambiant.
En
visionnant le documentaire de Thalassa,
sur le canal de Corinthe,
j’ai retrouvé la même familiarité confiante _malgré les
terribles difficultés matérielles_ dans le sourire des pêcheurs et
des paysans forcés de s’adapter mais toujours rayonnants de
l’amour de leur terre et de la mer qui les fait vivre et espérer.
Une sagesse grecque, un sens de la mesure dont nous avons beaucoup à
apprendre aujourd’hui. Et comment ne pas rêver avec les Grecs d’un
monde réconcilié avec la beauté du ciel et la fraternité,
sensibles comme Empèdocle
lorsqu’il découvrit la Grèce avec enchantement la première
fois :
« J’ai
pleuré, sangloté en découvrant la beauté de ce pays étrange ».
Tous
ces philosophes, ces écrivains anciens et modernes, sont des phares
comme ce pays que tant de créateurs amoureux de leur terre n’ont
cessé de célébrer tel le poète Sikélianos
qui se couchait des nuits entières contre la terre et qui,
s’agenouillant sur la terre d’Attique, se pressait contre ses
pierres
« pour
écouter leur battement
monter
comme un chant de grillon
dans
la nuit de lumière… »
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