21 avril 2015

Ronde magique


« Je ne croirai qu’en un dieu, s’exclame Zarathoustra qui s’entendrait à danser… »

ce goût de la danse, de la fête qui nous réunit autour d’une ronde, retrouvant spontanément et comme par miracle l’esprit d’enfance qui perdure au cours des temps et sans doute au cours des millénaires, autour du cercle symbolique où les corps humains se détendent et dansent avec jubilation malgré les traversées noires de l’existence…
j’aime à penser que les premiers hommes se sont donné la main autour du premier feu, un cercle de chaleur nouvelle et de lumière neuve qui a métamorphosé leur vie, libéré leur corps meurtri par les durs combats dans une nature hostile !

Ainsi commence cette quête de bonheur et de beauté que l’on retrouve dans les rondes d’enfants et ces mains tendues dans l’ombre protectrice des grottes rupestres, vibrantes de vérité sont appel émouvant à se souvenir…

Marie Noël évoque avec nostalgie ces moments merveilleux de l’enfance, ces rondes d’autrefois et les visages de ses compagnes surgissent de sa mémoire :

« Marthe, Marie où êtes-vous ?
Vous dansez encore et je vous entends
mais de loin… »

Pourtant dans son extrême solitude, un désir secret se fait jour, une ronde de demain s’éveille à travers les mots, une force créatrice qui naît en elle, un souffle de vie mystérieux qui la submerge…

Même force créatrice dans le « Festin de Babette » de Karen Blixen, le mot festin est un signe magique de cet improbable repas à mille lieues de la petite communauté humaine, vieillissante, austère, minée par des désaccords récurrents !
Babette, cette célèbre cuisinière d’un grand café de Paris, exilée dans un pays froid et peu hospitalier aurait pu se contenter (grâce au gain providentiel d’un billet de loterie) de préparer un repas rustique, normal pour une population peu encline à savourer des mets raffinés mais elle décide avec générosité de transformer ce repas en « Festin », terme très évocateur de dépenses superflues et somptueuses, promesse d’un renouveau partagé où les corps se libèrent des tensions quotidiennes d’abord avec lourdeur puis avec légèreté… les langues se délient et la guérison des cœurs s’exprimera plus tard au cours de ce repas à travers une ronde improvisée, joie partagée avec une ferveur retrouvée !
Dans ce repas magique Babette se sauve elle-même de l’enlisement où elle risquait de tomber, sa vocation profonde et son identité se révélant comme autrefois quand elle était la grande cuisinière du ‘Café anglais de Paris’, certes il perdure en elle une forme de reconnaissance pour les deux femmes qui l’ont accueillie en toute simplicité mais cela va beaucoup plus loin dans les tréfonds de son être …
Obligée de quitter son pays, elle a tout perdu : ses biens, son mari, son fils, l’admiration des grands hommes qui fréquentaient sa table de Reine de sa profession et à ce titre de noblesse elle ne peut renoncer sans renier son ultime dignité !
Aux deux sœurs qui s’inquiètent de tout l’argent dépensé et de son retour définitif à la pauvreté:

« Vous resterez donc pauvre votre vie entière Babette »

Elle rétorque avec panache :

« Je suis une grande artiste ! »

Et une vague d’espérance et d’émotion monte des cœurs des deux femmes :

« Mais ceci n’est pas la fin, je sens Babette que ce n’est pas la fin »

Michèle Serre


Pierre Sentenac "Magdalénien II"

Acryliques/canson (A4:21x29,7cm) 26/04/1985




Nota Bene:

                  Citation : Ainsi parlait Zarathoustra  de Nietzche

                  Poème extrait de : L'oeuvre poétique de Marie Noël chez STOCK

                        Références de : Le Festin de Babette de Karen Blixen chez FOLIO

                  Livre : Marie Noël ou l'aventure du silence de Michèle Serre chez LE BIEN-VIVRE




1 illustration de Pierre Sentenac
est disponible aux éditions Le Bien-Vivre
mail:  lbvmps@outlook.fr 

( Livres d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque, papier moulin ou vergé:
tirages 100 exemplaires numérotés, prix: 18Euros )
Participation aux frais de port: 1euro