13 décembre 2014

Hokusaï aux ailes bleues


      Hokusaï nous a fait rêver durant des décennies et continue à nous émerveiller malgré le passage du temps. Ce rêveur de nature, indifférent aux vents et aux pluies, ce guetteur de beauté nous dévoile avec gourmandise la quintessence des arbres, des fleurs et des oiseaux dans une longue quête de vérité.
Né sous les auspices du dragon, orphelin de père et de mère, il est recueilli, adopté par un artisan fabriquant de miroirs de bronze et comme destiné à la pratique du dessin dans son atelier (il a six ans).

Très vite, il est fasciné par cette atmosphère de travail, le scintillement des motifs en relief, ces motifs rejoignant dans son imagination l’observation du mouvement des oiseaux, sédentaires ou migrateurs… il fut conquis par leur liberté et leur grâce spontanée dès sa petite enfance, les contemplant dans leur errance au milieu des arbres et des marais foisonnants de vie… les traces des oiseaux sur les bancs de sable ne sont-elles pas les signes précurseurs des écritures qu’il découvrait dans les livres illustrés recopiés avec application dans cet atelier protecteur ?

Peu informé de ses origines, il s’est forgé progressivement une identité dans de nombreux ateliers qui voulaient bien l’accueillir au cours de ses pérégrinations et son désir inassouvi d’une création libre s’est affirmé dans une errance difficile et des ruptures douloureuses (aussi bien familiales que professionnelles). Il resta persuadé tout au long de son existence que la recherche du dessin aussi libre que le mouvement des oiseaux était pour lui une finalité absolue.

Sa formation à la lecture et à l’écriture accentua sa passion pour les livres illustrés. Dessinateur, apprenti, graveur d’estampes, libraire, colporteur, il fit tous les métiers et mangea très peu à sa faim, mais son appétit de vivre ne faiblit pas et malgré toutes les vicissitudes il poursuivit avec ferveur sa voie  d’artiste dans une solitude extrême.
Ne plus être considéré comme un suiveur mais comme un créateur fut son obsession première, convaincu qu’il serait reconnu beaucoup plus tard !
Ses multiples déceptions par rapport au travail d’atelier le conduisit à privilégier la peinture pour marquer sa différence avec les tenants du dessin répétitif. Il se remit avec ardeur à la peinture chinoise traditionnelle à l’encre mais avec une approche plus originale des thèmes dans un contexte vivant et réaliste, tentant par son goût de l’observation d’appréhender l’esprit des choses…

S’éloigner du bruit du monde dans le silence de la nature, fidèle à l’inspiration d’un ciel étoilé, d’une montagne enneigée ou d’une vague qui le submerge dans un flot d’écume, Hokusaï chemine encore à nos côtés avec son rêve bleu, sûr de la force de ses sensations et de la beauté insolite d’une nature porteuse du souffle de la vie, lui qui a si bien perçu l’âme du monde et des choses.
M.S


Pierre Sentenac "La Vague" 1996  Tech. Mixte/bois 82x122