27 mai 2013

Le Fil Tendu


Un documentaire passionnant sur l’importance des anciennes cartes géographiques dans la découverte de nouveaux mondes par des navigateurs avides de terres inconnues, nous conforte dans l’idée que la quête de nouveaux chemins est existentielle. Ce monde ouvert auquel l’être humain aspire – surtout à certaines époques et c’est le cas aujourd’hui – naît le plus souvent dans les familles d’esprits en attente d’une autre musique.

Joseph Delteil écrit dans la préface de ses œuvres complètes :

« J’ai confiance qu’il y aura toujours de par le monde une certaine famille d’esprits – rares et baroques – pour se plaire à ma chanson. »

Depuis quelques années les chemins de pèlerinage du Moyen Age (pensons à St Jacques de Compostelle) ont été redécouverts et parcourus par de nombreux pèlerins avides de ruptures et d’un monde autre, leur récit (quand il ne s’agit pas de mode) témoignant parfois d’un désir profond de ressourcement.


Pierre Sentenac, illustration "Poème à 2 voix"

Dans son livre « Le Fil Tendu » aux éditions Le Bien-Vivre Laure Dino n’appartient pas à cette tradition. Il s’agit plutôt d’un voyage intérieur à l’image de Ste Thérèse d’Avila qui écarte les ombres de son chemin pour accéder à son château intérieur.
Le Pèlerin, étranger au quotidien qui le sollicite parfois durement, amorce un mouvement profond vers un champ méditatif, porteur d’énergies et de mystère, un défrichement patient le menant parfois vers des illuminations secrètes qui le comblent.

A travers une démarche alchimique, il nous conduit vers des lumières nouvelles, aimantées par les quatre éléments : « le feu, l’air, la terre, l’eau »… cette goutte d’eau qui étanche la soif du pèlerin à la recherche d’un « manteau de laine qui tient bien chaud », sorte de toison d’or qui le protègera du mal et transfigurera sa vie.

En résumé, une belle démarche spirituelle et poétique.

M.S

            Pierre Sentenac, couverture du livre


Nota Bene :
Ce livre de Laure Dino publié aux éditions le Bien-Vivre
comporte 2 œuvres originales ainsi que 34 enluminures
une par page, retrouvant d’une manière personnelle
l’esprit des anciens manuscrits.

Ce Livre d’artiste de Collection, fait main, couverture Moulin Laroque,
papier moulin ou vergé, tirages 100 exemplaires numérotés
est disponible aux éditions Le Bien-Vivre, au prix de 19Euros 





18 mai 2013

Rencontre avec St Exupéry II


Dans « Terre des Hommes » j’ai d’abord été frappée par la poésie qui se dégageait des mots. Il me semblait découvrir un langage neuf et il m’arrivait souvent de dire à haute voix certains passages pour mieux en ressentir l’harmonie secrète. Et puis ce n’était pas de la littérature ‘facile’ : pour la première fois sans doute, je sentais qu’il y avait dans l’homme des ressources insoupçonnées !
Oui je crois que St Exupéry m’a révélé la véritable noblesse humaine. Rien à voir avec la grandeur, mais plutôt une générosité dans sa plénitude. Alors l’ennui (dont on parlait tant dans les romans) n’existait plus. La réalité n’était pas uniquement sordide ou monotone, il y avait un moyen de se sauver de la médiocrité !

Tel était mon état d’âme lorsque je découvris « Terre des Hommes ».
J’y appris aussi à élargir mon esprit et mon cœur :
Ainsi le vieil anarchiste espagnol ou le vieux paysan provençal devenaient proches de moi. Je savais déjà que ‘l’écorce’ n’était pas la chose la plus importante, j’en reçus une confirmation éclatante et à partir de ce jour-là, j’ai voulu rester fidèle à mes racines paysannes. Seule compte pour moi la vérité des personnages et l’amitié des gens simples me touche bien davantage que le respect des grands personnages.

Mais c’est surtout un passage qui faisait frémir de je ne sais quelle attente secrète l’adolescente qui rêvait.
Les gazelles ! « elles veulent devenir gazelles et danser leur danse… la nostalgie c’est le désir d’on ne sait quoi… il existe l’objet du désir, mais il n’est point de mots pour le dire »

Moi aussi, j’essayais de franchir le portail du collège mais c’était en pensée et cet appel mystérieux, ce désir inconnu, voici qu’ils bougeaient en moi d’une poignante présence !

Plus tard, je n’ai pas cherché dans ce livre le goût de l’aventure mais bien plutôt le goût austère de la nécessité des contraintes. C’est ainsi que la valeur de mon métier s’imposa à moi et la ferveur du pilote à la veille de son baptême professionnel m’aidait curieusement à accepter le renoncement aux plaisirs faciles. J’étais ‘un jardinier ‘ pour les enfants des hommes. Est-ce que je saurai reconnaître la rose et la cultiver avec soin et l’essentiel n’est-il pas de réveiller en chacun ce petit inconnu qui sommeille en lui ?

M.S


Pierre Sentenac tech. mixte/Arche20X12,5cm

1 mai 2013

Rencontre avec St Exupéry I


Rencontre… ce mot est bien galvaudé aujourd’hui, si bien qu’il est difficile de l’employer…
Pourtant il est pour moi riche de sens et d’amour, surtout aujourd’hui où nous croisons tellement de gens sans vraiment les rencontrer.
« Les gens sont partout comme dans une gare… », écrit quelque part Katherine Mansfield ; il me semble que ceci est très significatif de ce que nous vivons.

Alors comment doit-on parler aux hommes, que faut-il leur dire ? Cette angoisse je l’ai senti frémir dans toute l’œuvre de St Exupéry. Il a eu le souci primordial de répondre aux besoins de son époque (ou à défaut de les susciter !) car « les hommes ont tellement besoin d’un dieu » sans en prendre toujours conscience. Ce dieu, il prend un chemin différent pour venir à nous et pour s’imposer avec évidence. Il a nom justice et amour; peu importe d’ailleurs le visage qu’il nous offre, l’essentiel c’est qu’il nous fasse sortir de l’ornière où nous risquerions de nous enfoncer béatement.

J’ai été toujours bouleversée par le fait qu’il soit donné à un homme de nous révéler la richesse d’un dieu… St Exupéry, je l’ai rencontré aux périodes difficiles de mon adolescence mais je ne l’ai jamais renié, je suis toujours sensible à la simplicité monacale de sa poésie et puis son œuvre a éveillé en moi tant de choses !

J’avais lu « Courrier Sud », « Vol de Nuit », « Pilote de Guerre », et j’avais été conquise par la grandeur sans fanatisme du personnage.
Quand au « Petit Prince », je l’avais lu avec intérêt mais il ne me faisait pas vibrer d’émotion. Il fallut l’expérience mystérieuse de l’amitié d’abord offerte et puis perdue pour qu’il devienne silencieusement mon ami. Il m’enseigna que l’amitié n’est pas qu’un don et le symbole de la fleur me fit comprendre que ce sentiment réclamait beaucoup de soin et d’amour. Pour s’épanouir elle avait besoin de nos cœurs émerveillés et attentifs !
J’appris ainsi des mots très oubliés maintenant : la délicatesse toujours prévenante, la valeur d’un sourire, le sens des gestes les plus simples en apparence.

Et lorsque moi aussi, je me rendis compte que cette amie que j’admirais, était finalement comme tout le monde, je me souviens que je pleurais d’émotion en lisant cette simple phrase : « Et couché dans l’herbe, il pleura… » ; cette phrase n’a jamais cessé de m’émouvoir, elle fait encore lever en moi tout un sortilège de souffrances et d’amours inapaisées…

Et puis, l’amie est partie ; ce ne fut pas une séparation déchirante, mais lentement, l’absence l’a consommée. Finies les longues conversations enivrantes où l’avenir se nuançait de gloire… où étaient les promesses qui affolaient nos jeunes cœurs ? Le vieux collège avait désormais perdu ses couleurs printanières, et « ce jamais plus » dont on pressentait confusément l’existence certains beaux soirs d’été où nous pleurions de nostalgie inavouée, voilà que nous savions le poids de son secret !
Les années ont passé et j’ai enfin compris certaines paroles du « Petit Prince » :
« Va revoir les roses et tu comprendras que la tienne est unique au monde. »

Je n’ai jamais revu Elise ; mais un jour j’ai brusquement cessé de lui en vouloir. Les souvenirs montaient en moi, bruissants de vie et de chaleur… et je n’ai pas pu faire autrement que de les accueillir. Depuis, l’écolière est toujours assise à côté de moi et le vieux banc qui abritait nos fous rires inextinguibles, présent à ma mémoire heureuse.
C’est peut-être cela parfois la fidélité, non pas un grand sentiment mais l’humilité de se dire que le trésor existe toujours dans nos cœurs.

M.S


Pierre Sentenac  Encres/canson 02/2010